Je suis comme un immense trou et vous aussi et nous absorbons la totalité du monde dans nos espaces trop petits, délaissé, encore humides mais où bientôt nous trouverons les première traces visibles de moisissures. Les moisissures qui colonisent nos pensées, nos ventres, nos pots de fleurs, qui s’installent car l’air ne circule pas et que les vapeurs de la cave transpercent le plancher, qui commencent par s’étaler sur un coin de mur et dont les spores contaminent lentement nos poumons.
J'ai la totalité du monde dans mon ventre et vous aussi mais nous la regardons défiler et cette chose-là ne nous appartient pas car rien ne nous appartient désormais. Je suis comme un immense trou et vous aussi et vous êtes tous très humides et vous sentez le renfermé. Vous sentez les moisissures qui poussent dans nos pensées, nos ventres, nos pots de fleurs.
Nous avons la totalité du monde dans nos ventre et cela m'effraie et regardons la défiler plutôt. Regardons ensemble par la fenêtre sans rien voir au dehors car tout est pénible en dedans et que l’extérieur nous violente. Regardons ensemble pour ne rien voir, aveugles car nos yeux et nos ventres ne nous appartiennent plus.
Et nos ventres se regardent le nombril et surtout n’en parlons pas puisque rien n’a de sens et que rien ne nous appartient désormais. Sans rien prendre au sérieux et rendant la vie ridicule, nous occultons l’espace pour que nos ventres soient le seul refuge, le seul visage et le dernier miroir. Pourtant mon ventre se tend, il est près d’exploser, il crève de tout cet air piégé dans un si petit espace, mon ventre m’implore et le tien t’implore lui aussi.
À mon amie je disais merde et elle me répondait dans un sourire qu'il s'agissait de trouver la paix. Mais moi, j'ai la totalité du monde qui macère dans mon ventre, et toi aussi et son immensité me fait mal et dans cette totalité là je ne choisis que l'attente et toi aussi.
Et l’on ne sait plus quoi faire de toutes ces choses qui infiltrent nos corps et l’on ne sait plus distinguer ce qui rentre de ce qui sort et nous sommes comme un grand trou qui déborde, qui s’étale lascivement, puisque nous avons trop mangé, trop écouté, trop laissé faire. Et l’urgence s’impose dans nos têtes, dans nos pieds, dans nos sexes mais nos ventres se regardent le nombril. Et nous cherchons la jouissance sans cesse en oubliant que pour jouir il nous faut embrasser l’urgence qui s’impose dans nos têtes, dans nos pieds, dans nos sexes.
Et nous cherchons la jouissance sans cesse, en oubliant que pour jouir il nous faut aimer et lutter à la fois.
Sur le dos, recroquevillez les genoux.
Apolline Bachet
(digère et rafraîchis)